Origine : Jean Dubuffet, Triumph and Glory, December 1950. Oil on canvas, 51 x 38 inches. Solomon R. Guggenheim Museum. 71.1973. Jean Dubuffet © 2001 Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris.

  Dubuffet Jean
(1901, Le Havre - 1985, Paris)
 

Expression lancée en 1945 par Dubuffet pour désigner l'ensemble des œuvres produites par des créateurs préservés de tout conditionnement artistique (influence des styles officiels aussi bien que des diverses avant-gardes, intégration dans le marché de l'art et souci de rentabiliser l'expression).

De tels artistes, dont Dubuffet se fait le défenseur intransigeant parce qu'il voit en eux une forme pure et initiale de créativité, apparaissent dans des catégories sociales étrangères au milieu de l'art : internés en hôpital psychiatrique, autodidactes, femmes et vieillards - qui se constituent un "langage" propre, apte à pleinement véhiculer leur singularité. Leur production, classiquement considérée par les psychiatres d'un point de vue purement symptomatologique, alerte dès le début du siècle Marcel Réja (pseudonyme du docteur Paul Meunier), qui publie en 1907 l'Art chez les fous. C'est ensuite le docteur Morgenthaler qui rédige, en 1922, la première monographie consacrée à un artiste "fou" - Wölfli -, et, la même année, H. Prinzhorn fait paraître Expressions de la folie, qu'Ernst fera connaître à quelques surréalistes français. La revue Minotaure publie d'ailleurs des reproductions d'œuvres "brutes" au voisinage de statues africaines et de productions médiumniques.

Malgré ces précédents, il faut attendre 1948 pour que soit fondée la Compagnie de l'art brut où l'on trouve momentanément, aux côtés de Dubuffet, Breton, et qui, comptant une soixantaine de membres (dont Paulhan et Tapié), a pour but de constituer une collecte d'œuvres. Cette collection, riche dès 1948 de 2 000 pièces, trouve successivement divers lieux d'accueil (galerie Drouin, éditions Gallimard, demeure d'Ossorio aux États-Unis), mais son accès reste réservé, sur rendez-vous, à des visiteurs particulièrement motivés. En 1967 se tient au musée des Arts décoratifs de Paris une importante exposition présentant une sélection de 700 œuvres, à la suite de laquelle Dubuffet sollicite de l'État français un statut de fondation permettant l'ouverture de la collection au public.
L'inertie des autorités l'amène à se tourner vers la Suisse, où il découvrait après guerre Wölfli ou Aloïse, et c'est finalement au château de Beaulieu qu'est inauguré en 1976 un musée de l'Art brut, dont la collection s'enrichit régulièrement (15000 œuvres en 1990) - pendant que son conservateur Michel Thévoz assume, conjointement avec Dubuffet, puis seul après la mort de ce dernier en 1983, le rôle de théoricien et défenseur de cet art d' "irréguliers".

L'art brut constitue un aspect majeur du primitivisme à travers tout le siècle et, même si sa survie en milieu psychiatrique pose problème en fonction de l'évolution des traitements et du développement de l'art-thérapie, il continue à susciter des productions en marge des courants successifs de la modernité.
G. D.

 
Peintre français. C'est tardivement, quadragénaire presque autodidacte, qu'il se consacre définitivement à la peinture. Après les séries du Métro (1943) et des Marionnettes de la ville et de la campagne (1943-1944), l'"entrée en matière" de Mirobolus, Macadam et Cie, Hautes Pâtes (galerie Drouin, 1946) - paysages et effigies anonymes peints en couleurs boueuses - le libère de vingt ans d'errements dilettantes et renouvelle singulièrement, non sans scandale, le vocabulaire "figuratif" de l'époque. Dès lors, sa production exceptionnellement féconde s'ordonne en cycles successifs dont chacun développe une réflexion systématique. L'invention de langages plastiques nouveaux, l'expérimentation constante de techniques inédites ne rompent jamais la cohérence de conception de ce libre itinéraire.
     
  source des textes      
    BRETON, A., "L'art des fous, la clef des champs", in, La Clef des champs, Paris, 1967.CARDINAL, R., Outsider Art, Londres, 1972.THÉVOZ, M., L'Art brut, Genève, 1975.L'Art brut, n° 1-16, Paris - Lausanne, 1964 - 1990.