L'art ne vient pas coucher dans les lits qu'on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu'on prononce son nom : ce qu'il aime c'est l'incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s'appelle.
Jean Dubuffet

BOHDAN LITNIANSKI
 
PICASSIETTE    
L'HÉLICE TERRESTRE    
LA FABULOSERIE
   
L'ABBÉ FOURÉ    
L'ARACINE    
FACTEUR CHEVAL  
ARTHUR VANABELLE  
CHATEAU D'OIRON  
Brut de Brut :      
  BOHDAN LITNIANSKI  

BOHDAN LITNIANSKI

" Ici, presque tout est artificiel ou plastique, sauf les fleurs, elles sont véritables !
J'ai stocké des tas de matériaux pendant des mois, derrière la maison. J'avais mon idée et je me suis mis à construire deux colonnes à l'entrée du terrain, magnifiques ! Toutes bien travaillées avec du verre, et après ça, j'ai continué tout autour. J'ai tout mélangé et j'ai fait un petit peu tous les jours, j'ai tout recouvert pour faire magnifique ! "

" Vous pouvez arriver à faire quelque chose avec n'importe quoi ! C'est possible avec de la patience et du courage. Certains pensent que je ne veux voir personne, je ne comprends pas, moi si je fais tout ça, c'est pas pour le cacher ; en ce moment, je travaille derrière la maison et je ne peux pas toujours m'en occuper. L'autre jour, il y a une voiture qui s'est arrêtée pour filmer avec le camescope à travers la vitre. Moi je me suis approché pour parler, ils ont pris peur, ils ont démarré leur voiture et ils sont partis. Des gens qui sont farouches, qui me prennent pour un fou ou je ne sais pas. Enfin chacun a son idée, il y e qui font comme ça, moi je fais autre chose, je ne dérange personne. "

" Quand j'ai acheté cette petite maison, je me suis dit : il faut que tu te débrouilles ! Il n'y avait rien. Tu vas tout faire avec les mains pour abriter ta famille. J'ai alors pensé : puisque tu n'as rien, tu vas faire quelque chose de magnifique, tu vas faire du neuf avec du vieux ! "


Dela différence

Mais cette ouverture d'esprit est un risque pour les " autres ". Au pays des pavillons pantouflards, on aime les nains de Blanche Neige, les graviers roses bien calibrés, l'image d'un monde propre et stérile : les choses doivent rester dans leur cadre et rien ne doit déranger les habitudes de vie " tranquille ".
Pour les gens du voisinage, l'inconnu n'est que source d'ennui et de danger, ils préfèrent l'aborder derrière un écran de télévision ou dans des parcs d'attractions. Ils ont formé les yeux de peur de trop voir la médiocre réalité, niant ainsi cette ouverture essentielle pour les inventeurs d'art.
En installant leurs œuvres entre eux-mêmes et les autres, ces artistes nous invitent à dialoguer dans leur propre langage, un langage visuel et vivant. Car la communication est devenue primordiale dans un monde où les échanges sont trop souvent commerciaux et où la profondeur de la vie, hérissée de ses problèmes multiples, n'est jamais prise en compte.
Olivier Thiebaut

 
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PICASSIETTE

Raymond Isidore (1900-1964) est devenu, lui aussi, l'une des gloires de ce panthéon populaire. L'occasion, l'audace et la volonté président une fois encore à la réalisation de l'œuvre d'une vie. Le modeste cantonnier, affecté à l'entretien de l'un des cimetières de Chartres, raconte ainsi le début de son aventure créatrice : " J'ai d'abord construit ma maison pour nous abriter. La maison achevée, je me promenais dans les champs quand je vis par hasard des petits bouts de verre, débris de porcelaine, vaisselle cassée. Je les ramassais sans intention précise, pour leurs couleurs et leur scintillement. J'ai trié le bon, jeté le mauvais. Je les ai amoncelés dans un coin de mon jardin. Alors l'idée me vint d'en faire une mosaïque, pour décorer ma maison. Au début, je n'envisageais qu'une décoration partielle, se limitant aux murs. " De la fin des années trente au début des années soixante, Raymond Isidore, bientôt surnommé Picassiette, décore de mosaïques en faïences cassées l'intérieur de sa maison et les objets qu'elle contient, puis il magnifie les murs extérieurs, construit une chapelle, une maison d'été, acquiert une parcelle limitrophe de son jardin où il réalise un vaste ensemble, le Tombeau de l'Esprit. Acquise par la ville de Chartres en 1981, la Maison Picassiette, classée monument historique deux ans plus tard, fait désormais partie du patrimoine.

La plupart crée dans leur jardin et accueille volontiers afin de partager leur fierté et la joie qui les habite. Le choix du jardin est significatif d'une volonté de communication. Seuil, césure entre l'habitat, privé, et le domaine public, sur lequel il s'ouvre, d'où on peut le regarder, organisé à la fois pour soi et vers les autres, il permet d'afficher un acte personnel dans l'espace social. Exerçant ou ayant exercé une activité manuelle, les auteurs de ces aménagements ne sont pas des artistes du dimanche : leur implication personnelle dépasse largement le cadre du hobby. En dépit des pressions sociales et marchandes, ils refusent la banalité du jardinet conventionnel et l'utilitarisme du potager traditionnel, mais aussi la décoration tout-venant, le kitsch de l'industrie culturelle. Vrais naïfs, véritables primitifs au sein de la civilisation de l'image, dont ils s'inspirent, ils récusent le caractère stéréotypé des nains de jardin et renouent avec les rêves de l'enfant que fascinent les animaux du Paradis, les chars d'assaut ou les avions. Ils s'évadent dans un eden où l'inventivité métamorphose les poncifs.

Au hasard des trouvailles, cet art d'évasion enseigne l'audace de céder en pleine lumière aux désirs, et notamment au désir d'accéder à une identité propre et plénière, de maintenir face aux autres les traits d'une singularité. Il donne l'exemple d'une capacité à employer pour son propre profit et son propre plaisir une force de travail trop souvent aliénée. Cet art cultive généralement une esthétique du plein, de l'excès. La peur du vide se réveille quand vient l'heure de la retraite. La menace latente d'une vacuité de l'existence est ici à la fois conjurée et désignée.

C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles cet art nous émeut, et pour lesquelles il dérange : la constitution d'un espace de liberté et de dignité, aussi modeste fût-il, menace toujours, au moins potentiellement, l'ordre établi.
Denys Riout

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      L'HÉLICE TERRESTRE

" … tout confirme ici que la véritable substance du monde est donnée par la forme en creux. "
Italo Calvino, Collection de sable.

Jacques Warminski est un de ces lumineux archi sculpteurs qui se sont donnés pour folle mission de sculpter la terre. Hercule des troglos, il a transformé un hameau troglodytique qui abritait jusqu'en 1950 de modestes familles d'ouvriers, en un monumental espace d'arts plastiques. Une termitière humaine qui évoque l'air et la terre, une Hélice terrestre. La parenté artistique avec le Land Art est évidente mais, à la différence des expériences éphémères de Dennis Oppenheimer ou de Richard Long, Jacques Warminski travaille dans la durée. A force d'acrobaties architecturales, il a creusé loin du monde un labyrinthe qui s'enfonce commune vrille dans le ventre de la terre, chantant à sa manière l'antique union de l'art et de la nature.
C'est au fond de la cour principale du hameau, creusée dans le calcaire, que l'Hélice terrestre est née. Celle-ci est édifiée selon le principe que toute forme a son revers. Au concave (surface en creux) correspond le convexe (surface bombée). L'espace est ainsi composé d'une surface souterraine, vaste ensemble de galeries creusées dans le tuffeau et reliées entre elles par de petits diverticules sombres et labyrinthiques et d'une surface à ciel ouvert, l'amphi-sculpture. Aux formes concaves des parties souterraines offertes aux mystères de la nuit, émergent en écho les formes convexes de l'Amphi-Sculpture ouvert aux clartés de la lune et du soleil.

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L'HÉLICE TERRESTRE
Espace d'arts plastiques permanent
Village troglodytique de l'Orbière
49350 SAINT-GEORGES-DES-SEPT-VOIES
(35 km au sud-est d'Angers)
Tél. 41 57 95 92
Ouvert tous les jours du 15 avril au 15 octobre, de 11 h à la tombée de la nuit

 
 

       
    LA FABULOSERIE

La Fabuloserie est devenue le grand refuge des artistes hors normes qui peignent, sculptent, dessinent dans le plus grand des secrets à l'écart des circuits artistiques professionnels. Fondé en 1983, ce musée rassemble un millier d'œuvres d'autodidactes, tous gens de condition modeste à la recherche d'une rédemption sociale. Une population d'ouvriers, petits paysans, vachers, forgerons dont l'extrême pauvreté associée à un imaginaire exibérant explique souvent le choix des matériaux : débris et déchets de la société industrielle, os, vieux tissus, boîtes de conserve, cageots, vaisselle cassée, plumes fil de fer, bois flottés… Une collection privée réalisée sur plus de trente ans par Alain et Caroline Bourbonnais, un couple passionné d'art insolite, brut, insensé, qui découvriront dans les années soixante que la France est peuplée d'inconnus dont la seule raison sociale est de créer avec frénésie, sans souci esthétique, accumulant toiles, broderies, poupées marouflées, grès…

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      LA FABULOSERIE
89120 DICY
(27 km à l'est de Montargis)
Tél. 86 63 64 21
Ouvert de Pâques au 2 novembre les samedi, dimanche e fêtes, de 14 h à 18 h ; tous les après-midi en juillet-août
Visite commentée
 
   
    L'ABBÉ FOURÉ
LA FRANCE INSOLITE

Dans la paisible campagne mayennaise, un dragon à la gueule béante garde l'univers de Robert Tatin ; à Rothéneuf, sculptés dans le rocher, les corsaires de l'abbé Fouré regardent la mer avec fierté ; en Dauphiné, c'est le Facteur Cheval qui réunit dans un même rêve de pierre toutes les architectures de la planète…

Hommage rendu aux " Grands Ancêtres ", les précurseurs de l'art hors norme ouvrent les pages de ce livre consacré essentiellement aux créateurs singuliers d'aujourd'hui. Cette nouvelle génération d'autodidactes de l'imaginaire travaille loin des villes. Sculpteurs mystiques, prophètes de l'Apocalypse ou collectionneurs frénétiques, ils sculptent, assemblent, rassemblent, peignent le plastique, le bois, la pierre, détournent les objets à vocation industrielle pour recréer un univers extraordinaire aux marges les plus étranges de la culture esthétique officielle.

Ecrivain-voyageur, poète avant tout, Claude Arz est allé à la rencontre de ces irréguliers de l'art. A travers analyses et interviews, s'appuyant sur une très riche illustration (130 photos couleur, la plupart inédites), l'auteur fait revivre ici plus de cent lieux magiques, autant de continents aux architectures hors du commun, peuplés de créatures et de divinités issues d'un panthéon personnel, perdus le long des chemins d'une France parallèle.

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      L'ARACINE
Collection de l'Aracine
Extrait avant-propos Joëlle Pijandier Cabot / Savine Faupin

Car, soulignons le, la découverte et la connaissance de l'art brut sont le fruit d'engagements passionnés et de recherches entreprises depuis un siècle par des médecins psychiatres tout d'abord, rapidement rejoints par des artistes et des intellectuels. L'art brut apparaît en tant que phénomène artistique dans le champ de ce que l'on a nommé jusque récemment " l'art des fous ", dès la fin du XIXe siècle, avec le développement des hôpitaux psychiatriques. Quelques médecins éclairés, généralement amateurs d'art, comme Jean-Martin Charcot. Cesare Lombroso, Marcel Réja, Hans Prinzhorn ou Gaston Ferdière, reconnaissent, dans les productions artistiques de certains malades mentaux, une dimension créatrice et une force d'expression qui excèdent largement la valeur symptomatologique qui leur était généralement attribuée. Des projets de musée sont formés très tôt par certains de ces médecins.

Puis des artistes s'engagent dans la même voie : Paul Klee ; les surréalistes, parmi lesquels André Breton, au premier chef, et Max Ernst, pour lesquels l'" art des fous " et les œuvres médiumniques, qui sont part constitutive de l'art brut, ouvrent à des territoires mentaux situés en marge des voies balisées par la conscience et la rationalité. L'intérêt manifesté entre les deux guerres par ces expressions s'inscrit dans un contexte général d'ouverture à l'altérité et au relativisme culturel, marqué par la constitution de la science ethnologique.

Jean Dubuffet s'y intéresse aussi dès 1923 et invente, pour nommer cet art, qui résiste à toute entreprise de définition globalisante et à tout effort taxinomique, le terme d'art brut.

La Frénouse devrait être un livre d'images, un peu comme les cathédrales médiévales, destiné à initier les hommes à une nouvelle culture. Les murs, qui disparaissent sous des torrents de chevelures de ciment coloré, sont historiés de frises surréalistes, fantastiques. Les personnages sculptés en saillie empruntent aux civilisations les plus diverses. Une même statue peut avoir un visage asiatique, un corps aztèque, des mains celtiques. La planète Tatin se veut le résumé microcosmique de toutes les langues des peuples passés, présents et futurs. En construisant son Arche, Tatin a jeté un pont artistique et philosophique entre l'Orient et l'Occident.

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      Le Musée Robert Tatin
La Frénouse, 53230 COSSÉ-LE-VIVIEN
530 KM AU SUD DE Laval)
Tel. 43 98 80 89
Ouvert tous les jours sauf le mardi et le dimanche matin,
10 h à 12 h / 14 h à 17 h 30 en hiver
10 h à 12 h /14 h à 19 h en été

 
   
       
     

FACTEUR CHEVAL

Comme de nombreuses entreprises de ce type, celle-ci débute par le choc d'une rencontre fortuite. Lors de ses tournées quotidiennes de quelque vingt-cinq kilomètres, le facteur Cheval aperçoit des pierres dont les formes étranges excitent sa curiosité : " Je me suis dit : puisque la nature veut faire la sculpture, moi, je ferai la maçonnerie et l'architecture. " Durant plus de trente ans, Ferdinand Cheval, en dépit des railleries, ramasse et accumule au long des chemins les matériaux composites de son Palais. Fier du travail accompli, il écrit sur son œuvre : " Au champ du labeur, j'attends mon vainqueur. " Opiniâtre, le facteur revendique son appartenance : " Tout ce que tu vois, passant, est l'œuvre d'un paysan. "

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    ARTHUR VANABELLE
STEENWERCK (NORD)
" Au début je voulais faire une girouette, j'ai fait un avion, puis deux, c'est comme ça que j'ai commencé. J'ai toujours aimé l'aviation.

J'ai jamais vu un avion de près, le seul avait été abattu en août 1940 pendant la bataille d'Angleterre, il était tombé dans un champs à Bailleul.
Pour avoir une idée j'ai regardé dans les journaux, un hélicoptère c'est pas bien compliqué.

 
     

Guide de l'art insolite / Nord/Pas-de-Calais, Picardie
Francis DAVID
HERSCHER

 
   
   

CHATEAU D'OIRON

Au château d'Oiron, Jean-Hubert Martin renoue avec l'esprit de la renaissance. Il ne s'agit pas de reconstituer un cabinet de curiosités mais d'en restituer l'atmosphère d'émerveillement. Le château est devenu ainsi un territoire d'expérimentation artistique où les artistes s'emparent d'inventions et les transforment. Passerelles entre l'art contemporain et l'art intuitif, ils y réinventent le monde, se réapproprient les objets de la civilisation post-moderne. Ils cherchent une nouvelle vision globale de l'évolution, révélant l'invisible. Jubilation des artistes aux frontières de la science, de l'art et de l'archéologie surréaliste.

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CURIOS ET MIRABILIA
CHÄTEAU D'OIRON
79100 OIRON (30 km au nord de Poitiers)
Tél. 49 96 57 42