Pascal
Lièvre mène, depuis une dizaine d'années, un travail
sur la représention du corps et de l'identité dans ses peintures,
collages et vidéos. Lors de sa première visite du Musée
Antoine-Lécuyer, en 2001, il fut intrigué par les petites
plaques de laiton gravées, fixées au bas des cadres de certains
pastels de Maurice-Quentin Delatour : " inconnu n° 1 ",
" inconnu n° 2 ", " inconnu n° 3 "
es
cartels, installés en décembre 1933 par Léon Delvigne,
le conservateur du musée désignent la vingtaine de portraits
d'hommes et de femmes du fonds, alors non identifiés.
L'idée
naquit de faire décrire ces portraits d'inconnus conservés
à Saint-Quentin par autant d'inconnus de Saint-Quentin et de ses
environs dans un film vidéo. Au cours de l'été et
de l'automne 2002, les quotidiens locaux L'Aisne Nouvelle et La voix de
l'Aisne publièrent l'annonce suivante : " Un artiste recherche,
dans le cadre de la préparation d'une exposition au Musée
Antoine Lécuyer, des personnes de tout âge vivant dans la
région. Il vous sera demandé de décrire un dessin
pendant quelques minutes, vous serez filmé et votre portait vidéo
sera présenté au musée début 2003. Vous pouvez
prendre contact avec le conservateur du musée en téléphonant
au 03 23 06 93 98 ". Des femmes, des hommes et des enfants, de toutes
conditions sociales, répondirent à l'appel. Les vingt-deux
personnes furent trouvées. Les prises de vues eurent lieu les 1er
et 2 septembre 2002. En un rituel presque religieux, tour à tour,
chaque témoin se rendit au musée à l'heure fixée.
Conduit auprès du pastel que le hasard lui avait attribué,
il était laissé seul avec son inconnu pendant une dizaine
de minutes. Pascal Lièvre venait ensuite le chercher. Dans le studio
aménagé dans une des salles du premier étage, la
caméra était déclenchée et le témoin
décrivait le portrait qu'il venait de scruter. Sans limite de temps,
sans question préalable. Seule condition, que la description débute
par le mot " C'est
".
Dans une esthétique sobre, les témoins, en buste, se détachent
sur le même fond blanc. Ils donnent vie aux inconnus de Delatour
et en racontent l'histoire perçue à la seule contemplation
de leur visage. Le film de trente-cinq minutes offre également
un saisissant instantané de la population saint-quentinoise en
2002.
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